Ce samedi 30 avril, c’est la journée de la non-violence éducative. Une journée de mobilisation de nombreux professionnels mais aussi de parents qui oeuvrent contre la violence éducative ordinaire (VEO).
La VEO, c’est l’ensemble des violences physiques et/ou psychologiques que l’on fait subir à un enfant sous couvert d’éducation. Ce sont des pratiques légitimées de très longue date – depuis plusieurs millénaires. Des gestes (fessées, gifles, coups divers), des paroles (cris, humiliations..), des postures (chantage, privation d’affection, de soins…) que l’on se transmet de générations en générations, tous milieux sociaux confondus.

Depuis la loi du 10 juillet 2019, ces violences sont interdites dans l’exercice de l’autorité parentale. Un pas de géant, mais un pas insuffisant.
Car la communication autour de cette interdiction est trop faible – nombre de parents ne connaissent pas cette loi ou pensent qu’elle se limite à l’interdiction de la fessée.
Car l’accompagnement des parents en la matière est vraiment insuffisant. C’est un chemin à parcourir qui n’est pas simple pour un parent : la prise de conscience s’accompagne souvent de culpabilité, il faut se débarrasser des automatismes et des traumas inconscients ou pas qui remontent à notre enfance.
Car la France a fait le choix de ne pas aller aussi loin qu’il l’aurait fallu. Elle aurait pu interdire purement et simplement les VEO, à l’instar de nombreux pays, pour mieux protéger les enfants. Aujourd’hui, ce sont d’immenses pans de la vie de l’enfant qui échappent à cette loi : la “garde” d’enfant, le cadre scolaire, extra-scolaire, familial “élargi”, etc…
Cette année, j’ai choisi de te parler de la violence au sein des familles neuro-atypiques et plus particulièrement de nos familles TDAH (Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactitivté) et/ou HPI (Haut Potentiel Intellectuel).
Je souhaite en effet aborder, au delà des violences infligées par les parents, le tabou de la violence dont ces derniers peuvent être victimes de la part de leurs enfants. Car, comme tu vas le voir, tout est lié ! Et c’est probablement là la clé pour sortir de cette violence, ensemble.
Parents d’enfants TDAH et/ou HPI et violence éducative ordinaire (VEO)
Lorsqu’on est parent d’un enfant TDAH et/ou HPI et plus largement d’un enfant dit neuro atypique (troubles DYS, Trouble du Spectre de l’Autisme), il est fréquent que l’on soit confronté à la violence éducative, plus que les autres parents.
Loin de moi l’idée de minimiser ce que peuvent vivre des parents d’enfants qui ne sont pas identifiés comme neuro-atypiques, car eux aussi sont confrontés à la violence éducative.
Je me permets toutefois cette affirmation au regard de l’expérience de ma famille, des familles de mon entourage (neuro-atypiques ou pas) et de celles que j’accompagne. Je n’ai toutefois pas trouvé de statistiques sur ce sujet en France, probablement faute d’études sur le sujet pour le moment.
J’ai conscience aussi que chaque situation est particulière et que la violence éducative est multi-factorielle. Tenir compte du caractère atypique des enfants n’est qu’un facteur parmi d’autres. Il y a bien sûr d’autres facteurs qui rentrent aussi en ligne de compte au premier rang desquels la fatigue mais aussi les difficultés au travail, en couple, la maladie, etc..
Ceci étant posé, j’ai identifié à l’occasion de la rédaction de ce billet de blog, trois raisons possibles à ce phénomène :
🔥 Le comportement des enfants “neuroatypiques” :
La question des émotions est centrale dans la vie d’un enfant neuro atypique et de ses parents. Comme pour tout enfant et toute famille tu me diras. Certes, mais du fait de cet/ces atypisme(s) :
- les émotions sont souvent décuplées
Par exemple, chez l’enfant HPI, une grande lucidité et une intuition certaine font qu’il a très tôt conscience de la finitude et de la mort. Les inquiétudes que cela engendre vont entraîner de nombreuses tempêtes émotionnelles teintées de peur, de tristesse voire de colère.
S’agissant de l’enfant TDAH, la science nous a appris que son cerveau mettra plus de temps à se développer. Ainsi les connexions entre le cortex préfrontal (qui permet notamment la prise de recul) et les autres aires cérébrales débuteront plus tardivement. Si tu veux en savoir plus sur ce sujet, tu peux consulter mon billet de blog dédié au cerveau TDAH : https://le-metier-a-tisser.com/comprendre-le-cerveau-tdah-essentiel/
L’enfant TDAH ou HPI rencontre par ailleurs des difficultés – ou des “challenges” si tu préfères voir les choses sous un angle un peu plus positif- en matière de régulation émotionnelle. Celle-ci est en effet vraiment compliqué pour lui du fait de ses particularités neuronales.

Je ne te cite là que quelques unes des particularités car l’essentiel pour moi aujourd’hui est de te faire réaliser – si ce n’est pas déjà fait – qu’en tant que parent, tu vas être bien plus souvent challengé-e par les émotions de ton enfant. Des tempêtes (ou “crises”) plus fréquentes mais aussi de plus grande ampleur. Or, ce n’est pas simple de faire face aux émotions de son enfant et c’est justement l’une des principales causes de violence éducative ordinaire de la part du parent : cris, voire coups, paroles blessantes, punitions…
J’ajouterai plus spécifiquement à destination des mamans qu’en tant que figure d’attachement principale, tu es celle auprès de qui ton enfant va s’autoriser littéralement à exploser. Parce qu’il se sent en sécurité totale avec toi (en général). Le risque de déraper et basculer dans la violence est donc d’autant plus grand.
- des “étiquettes” qui enferment l’enfant dans certains comportements :
Il est “colérique”, “elle est désobéissante”, “il est insolent”, “elle est paresseuse”… Je sais, je te parle souvent des étiquettes mais c’est parce qu’elles ont une influence vraiment importante sur le développement de l’enfant et sur ses comportements au quotidien.
Un enfant neuro atypique se voit fréquemment affublé de ce type d’étiquettes. Alors il reproduit aussi souvent que possible le(s) comportement(s) correspondant(s) à l’étiquette. Autant d’occasions pour toi de risquer de “péter les plombs”.
- un parcours scolaire souvent difficile :
Je le mentionne parce que la scolarité des enfants neuroatypiques est souvent compliquée. Je mets là de côté le parcours des enfants HPI à profil dit “homogène”, pour qui l’école – au moins en surface – ne semble pas poser trop de problème.
L’école est synonymes de tensions a minima, voire de plus ou moins grandes souffrances pour ton enfant. Il passe des journées entières à se contenir, tant bien que mal ; la scolarité est sources d’angoisses avec la peur de ne pas y arriver, des difficultés d’attention ou encore de l’ennui. Et forcément, une fois à la maison, ça explose.
🔥 Le fait que l’adulte soit – très souvent – lui aussi neuro atypique, sans forcément le savoir :
Il y a une importante prédisposition génétique au neuroatypisme. C’est tout à fait le cas s’agissant du haut potentiel intellectuel ; d’après les experts, au moins un voire les deux parents, sont eux-mêmes à haut potentiel. Nombre d’entre nous découvrent d’ailleurs leur douance lorsque celle de leur enfant est mise au jour.
C’est un peu moins tranché pour le TDAH, qui peut avoir d’autres causes. Néanmoins, il y a une forte prévalence à ce que l’enfant soit TDAH si l’un de ses parents l’est. Là aussi, il n’est pas rare pour un parent de mettre enfin des mots sur ce que l’on vit depuis l’enfance.
Et qui dit adulte neuro atypique dit souvent adulte qui a lui aussi plus de difficultés que les autres en matière d’émotions. Quand on réalise que nos générations n’ont pas du tout été “éduquées” voire même tout simplement familiarisées avec les émotions, on comprend mieux pourquoi cela est compliqué ! Car en tant que parent tu dois non seulement faire face aux émotions envahissantes de ton enfant (voire de tes enfants !) et en même temps aux tiennes (voire celles de ton/ta conjoint-e).
🔥 La violence subie étant enfant… et la boucle est bouclée.
Sans oublier que grâce aux neurones miroirs, nous avons appris comment réagir aux émotions auprès de nos propres parents et plus largement des adultes qui nous entouraient étant enfants puis ados (famille élargies, instits et profs, moniteurs sportifs…).
C’est d’ailleurs exactement ce qui se passe aujourd’hui pour nos enfants. Ils apprennent de nos comportements et donc de nos réactions et nos façons d’appréhender nos propres émotions et les leurs. Et c’est là que le bât blesse.
La violence que tu as subie étant enfant, tu as tendance à la faire subir à ton enfant à ton tour. Et même si tu as la volonté de ne pas le faire, les comportements des adultes lorsque tu étais enfant et les traumatismes ancrés en toi de manière (souvent) inconscientes sont bien là. Les tempêtes émotionnelles de ton enfant vont replonger ton cerveau dans ce qu’il a vécu 20, 30 ou 40 ans en arrière.
Tu vas probablement adopter la posture que l’adulte avait envers toi… ou alors tu vas rester en position de victime, comme tu l’étais alors. Ce qui sera aussi déstabilisant pour ton enfant, qui recherche la sécurité dans ces moments où il est déstabilisé par ses émotions.
Dans les familles neuroatypiques il y a la violence éducative du côté des parents mais il y a aussi un sujet encore beaucoup trop tabou : la violence des enfants envers leurs parents. Là aussi, ce n’est pas réservé aux familles neuro-atypiques mais il y a quand même fort à parier que cela touche principalement ces familles. J’ai d’ailleurs nombre de témoignages d’enfants et surtout adolescents TDAH dont les actes relèvent de la violence. Loin de moi pourtant l’idée de condamner cela et tu vas tout de suite comprendre pourquoi.
La violence des enfants TDAH et/ou HPI
Lorsqu’un enfant ou un adolescent a un comportement violent, il s’agit là de la stratégie – maladroite – qu’il a trouvé pour se faire entendre ou tout simplement pour décharger. Si tu veux en savoir plus sur cette notion de décharge, qui est un des 3 temps de l’émotion, n’hésite pas à consulter mon article dédié aux tempêtes émotionnelles : https://le-metier-a-tisser.com/tempete-emotionnelle/
La violence de l’enfant peut se tourner contre un objet. Que celle qui a un ado TDAH à la maison et n’a aucun coup dans un mur ou une porte lève le doigt 👆 – bon, ben moi je ne peux pas le lever parce qu’il y a chez moi des murs qui ont pris cher à cause de portes claquées trop violemment.
Mais cette violence peut aussi se retourner contre nous, parents ou encore contre un membre de la fratrie. Tu vois, cela m’est arrivé pas plus tard qu’il y a quelques heures. L’une de mes filles m’a tapé sur le bras dans un mouvement de colère. Le besoin de décharge cumulé à l’impulsivité qui l’a empêché de réfléchir avant d’agir. Elle s’est excusée juste après, tout comme je m’excuse auprès d’elle lorsqu’il m’arrive encore de dérapé plutôt en matière de violences psychologiques en ce qui me concerne. Dont acte.
La violence faite aux parents revêt plusieurs visages :
- La violence psychologique : injures, affronts à répétition, menaces, fugue, intimidation, humiliation, etc.
- La violence physique : bousculades, coups de poing, coups de pieds, etc.
- ou encore pour certains ce qu’on appelle “l’exploitation financière” : le vol, les emprunts qui n’en sont pas, forcer le parent à acheter des choses trop chères, etc.

Ce phénomène, duquel nul parent n’est à l’abri, peut grandement varier dans ses proportions. Certains adolescents en viennent à prendre l’ascendant sur le parent, bien impuissant. Et je me garderai bien de les juger. J’ai toujours en tête la question d’une médecin qui m’avait parlé de ce phénomène lorsque ma fille aînée avait à peine 3 ans. J’en étais restée incrédule ; je le comprends mieux maintenant.
En revanche, je dois t’avouer que je ne supporte pas d’entendre parler d’enfants “tyranniques”, terme employé lorsqu’un enfant a de tels comportements vis à vis de son/ses parent(s). Un enfant ou un adolescent qui devient violent à l’encontre de ses parents, c’est avant tout un enfant en souffrance – un parent aussi bien sûr. L’enfant n’a trouvé que cette stratégie pour essayer de faire entendre ses besoins mais aussi de se rassurer sur son besoin de sécurité.
Le mot est tellement fort et va créer des dégâts d’un point de vue psychologique. Revenons-en à l’étymologie : un tyran est une “personne qui, ayant le pouvoir suprême, l’exerce de manière absolue, oppressive” ou encore “un souverain despotique, injuste, cruel”. Pol Pot, Hitler ou encore Staline sont des tyrans. Comment peut-on qualifier ainsi des enfants ou adolescents, qui sont, je le rappelle, ni plus ni moins en souffrance !
Alors bien sûr, quand la violence vis à vis du parent commence à s’installer, il est urgent d’agir. De se faire aider, accompagner pour sortir de cette spirale. Cela passe par une bonne compréhension, une re-connexion entre le parent et l’enfant et la mise en place de nouvelles dynamiques au sein de la famille.
Pour en revenir à nos enfants (je n’allais quand même pas dire “nos moutons” 😜), nos amis canadiens ont pu noter une prévalence de comportements agressifs chez les enfants TDAH et notamment chez ceux ayant un “trouble oppositionnel avec provocation” (TOP). Pourquoi ? Parce que de par leur nature, ces “troubles” – ou plutôt particularités – empêchent l’enfant d’avoir le plein contrôle de soi.
D’où l’importance de travailler sur la régulation émotionnelle (la “gestion” des émotions) dès l’enfance. Mais si tu es parent d’ado, rien n’est perdu, il n’est jamais trop tard pour s’atteler à la tâche pour ton enfant, comme pour toi d’ailleurs.
Rappelle-toi que ton enfant vit de très nombreuses frustrations tout au long de la journée et c’est entre les murs de son cocon familial qu’il laissera le plus souvent “exploser sa rage”.
Et dans ces cas là, ce n’est certainement pas en adoptant des comportements autoritaires que les choses se calmeront. Qu’il s’agisse de cris, de punition ou encore de “time out”, tout ce qui relève de la violence éducative ordinaire (VEO) aura au contraire à terme l’effet inverse de celui recherché. Et c’est l’escalade dans la violence…
Ce tableau pas très réjouissant étant posé, tu vas me dire “c’est bien beau ce que tu dis Céline mais je fais quoi avec mon enfant ?”
Et bien, j’ai quelques pistes pour toi si tu veux voir diminuer le niveau de violence dans ta famille neuro-atypique, quel que soit le niveau où elle se situe : parent, enfant ou les deux.
Diminuer la violence dans la famille neuro atypique
D’abord, je te propose de faire un SHIFT et de changer radicalement d’approche si tu es tombée dans cette spirale de la violence, des punitions et du chantage. Je t’invite à basculer du côté – non pas de la force obscure 😜 – mais de la connexion et du respect mutuel.
Et pour être sûr-e de ne pas faire machine arrière et surtout de préparer ton enfant sur le changement à venir : pose des mots puis pose les actes. Dis clairement à ton enfant que tu souhaites un véritable changement dans le climat familial et dans vos relations. Et que ce changement commencera par toi-même puisque tu vas modifier ton comportements et sortir peu à peu des violences éducatives. Tu pourras aussi (re)développer la connexion à ton enfant ainsi que la coopération – notamment pour chercher à résoudre ensemble les problèmes (technique de la résolution de problème).

Je sais qu’il n’est pas simple de sortir de la violence éducative. C’est un long chemin mais tu peux y arriver, en y allant petits pas par petits pas. Cela peut être un chemin inconfortable mais il est indispensable de le parcourir si tu veux pacifier les relations avec ton enfants. Le changement commence par toi, cher parent. Montre l’exemple.
Bien sûr, dans un monde idéal il faudrait que tous les adultes avec qui ton enfant est en contact changent de posture mais tu n’as pas de prise sur cela. Alors concentre-toi sur toi.
🌱 Sois modeste dans tes objectifs :
Tu ne vas pas arrêter de crier, de punir ou de rabaisser ton enfant du jour au lendemain. Fixe toi d’abord un premier objectif pas trop ambitieux et réaliste – par exemple : je ne crie pas dans la semaine qui vient. Félicite toi lorsque tu y arrives mais sois indulgente aussi si tu n’y arrives pas et concentre-toi sur ta progression.
C’est ce que les japonais appellent le KAIZEN : y aller petits pas par petits pas, changer tout doucement des habitudes au quotidien. You can do it 💪
🌱 Fais un focus sur les émotions :
Travaille sur tes propres émotions mais aussi sur celles de ton enfant. Observe-le, vois quels sont les déclencheurs, quelles sont ses réactions. Quelles sont les tiennes aussi dans ces moments là.
Si tu as envie d’opérer un grand changement en matière d’émotions, tu peux d’ailleurs suivre ma formation “Naviguer les émotions quand on est maman d’enfant TDAH et/ou HPI” – https://le-metier-a-tisser.com/naviguer_emotions/
🌱 (Re)connecte-toi à ton enfant :
Prends le temps de passer des moments de qualité avec lui. Découvre les centres d’intérêt de ton ado et partage au moins sur l’un d’eux avec lui.
La connexion à ton enfant est un des piliers essentiels pour rétablir ou développer la confiance mutuelle que vous avez. Cela contribuera aussi à diminuer petit à petit la fréquence ou l’intensité de la violence.
En conclusion…
Et oui, une famille neuro-atypique, c’est un cocktail émotionnel explosif. Mais aussi d’une richesse incroyable quand on trouve le bon équilibre.
La violence entraîne la violence. C’est bien connu.
Et si tu n’es encore pas tout à fait convaincue, cet article sur les conséquences de la VEO à l’âge adulte devrait finir de le faire : https://eduensemble.org/2020/06/03/limpact-des-veo-a-lage-adulte/
Alors si tu saisissais l’opportunité de cette journée de la non-violence éducative pour décider de sortir de la violence ou te rappeler que tu te l’étais promis il y a déjà quelques temps. Prends l’engagement envers toi-même de suivre ce chemin.
Mais garde en tête que ce n’est pas le chemin le plus facile. Il t’arrivera de trébucher, d’avoir des comportements relevant de la VEO. Dans ces moments-là, tu pourras toujours réparer la relation en t’excusant pour ton comportement. Tu y gagneras en respect de la part de ton enfant. Pense également à être indulgente avec toi-même et à te féliciter chaque fois que tu constates à quel point tu as avancé.
Peu à peu, c’est toute la dynamique familiale qui s’en trouvera changée 🤗
Dis-moi en commentaire comment tout cela te parle !
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