Dès que j’ai appris que mes filles avaient un TDAH (Trouble du Déficit de l’Attention avec/sans Hyperactivité), je me suis plongée dans les livres et sur internet afin de trouver des explications : qu’est-ce que c’est, comment cela se traduit chez mes filles, qu’est-ce que je peux faire pour elles notamment dans la vie quotidienne ou encore quel est l’impact de cela dans les relations que j’ai avec elles ?
Au fil de mes lectures, il m’est apparu que la chose la plus importante pour bien cerner le TDAH et mieux vivre les challenges qu’il entraîne, c’était de comprendre comment fonctionnent les cerveaux TDAH ! A ce sujet, la lecture la plus claire et éclairante que j’ai pu avoir est un livre d’une psychologue américaine spécialisée dans le TDAH, le Dr Sharon Saline – “What your ADHD Child wishes you knew” c’est-à-dire “Ce que votre enfant TDAH aimerait que vous sachiez” (ouvrage malheureusement non encore traduit en français à ce jour).

J’ai décidé de te partager aujourd’hui les éléments clés de ce que j’ai appris sur le fonctionnement du cerveau TDAH grâce à elle ! Parce que c’est à mon avis la BASE pour mieux comprendre ton enfant, mieux l’accompagner et prendre du recul afin de pacifier si besoin vos relations. Mieux comprendre le cerveau TDAH, c’est une source d’espoir pour toi et ton enfant et un chemin vers l’autonomisation et la collaboration de ton enfant.
Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, je commencerai pas quelques informations importantes sur le TDAH 😉
Quelques généralités sur le TDAH
Le TDAH est un trouble neurodéveloppemental d’origine biologique, que l’on retrouve partout dans le monde.
Bien qu’il alimente la littérature scientifique depuis plus de 2 siècles, il n’est défini que depuis 1987 aux Etats-Unis (et depuis 1994 en France) comme étant un schéma persistant d’inattention et/ou d’hyperactivité, qui interfère avec le fonctionnement ou le développement. Pour schématiser, il existe trois types de TDAH : l’inattention, l’hyperactivité/impulsivité ou une combinaison des deux. Mais c’est toute une palette qui existe car l’inattention, l’hyperactivité et l’impulsivité seront plus ou moins présente chez chacun.
Je t’explique ce que recouvre ces trois « symptômes » (définitions issues d’un article de Gabriel Wahl, pédopsychiatre et professeur, chapitre « Haut potentiel et TDAH » de l’ouvrage collectif « Psychologie du Haut Potentiel » – 2021) :
– le « déficit d’attention » : il correspond à un manque d’endurance et de vigilance attentionnelle et se traduit par de la distractibilité et de la dispersion. On distingue classiquement l’attention sélective, qui permet de se concentrer sur une tache en dépit d’éléments distracteurs (ex : bruit), l’attention soutenue qui maintient dans le temps une vigilance efficiente et enfin, l’attention divisée qui permet de distribuer ses capacités d’attention entre différentes sources de stimuli. Dans le « déficit d’attention », l’enfant peut être soit en excès de dissipation (il se laisse distraire) soit en excès d’absorption ;
– l’hyperactivité : c’est une agitation physique qui se manifeste sans grand répit et qui perturbe l’ordonnancement de toute activité. L’enfant ne cesse de changer de cap sans but apparent, bouscule, tourbillonne…
– l’impulsivité : elle implique que l’enfant paraît vivre en permanence dans la précipitation et l’impatience d’agir et de parler (interruptions, bavardages, intervention à contretemps…).
Le TDAH serait très largement “hérité” (cause génétique) mais il pourrait aussi résulter parfois de traumatismes crâniens, de traumas récurrents, d’exposition au plomb ou encore de consommation excessive de substances pendant la grossesse. La communauté scientifique réfute le fait que l’alimentation ou un excès d’exposition aux écrans puissent en être la cause. De mon côté, je soulignerai qu’il ne s’agit en aucun cas d’une “mauvaise éducation” de la part des parents comme on peut l’entendre ou le lire encore parfois !
Il peut « disparaître » à l’âge adulte ou encore se transformer. C’est alors le plus souvent les particularités en matière d’attention qui persistent tandis que l’impulsivité et surtout l’hyperactivité auront tendance à s’effacer.
Le cerveau de la personne TDAH a des structures différentes qui le rendent unique – on peut dire qu’il est “câblé” différemment des autres cerveaux. Voyons tout de suite quelles sont ses particularités…
Les particularités du “cerveau TDAH”
C’est grâce à l’imagerie médicale qu’ont pu être mises en lumière les particularités suivantes concernant les cerveaux TDAH.
🧠 Tout d’abord, il a été constaté que certaines aires cérébrales sont plus petites tant en taille qu’en volume. Elles sont également moins actives, ce qui peut affecter l’attention, la gestion des comportements et des émotions, les systèmes de mémoire centrale et la communication entre les différentes régions du cerveau.
🧠 De plus, il est désormais acquis que le cerveau TDAH se développe plus lentement. Il peut y avoir un décalage allant jusqu’à environ 3 ans par rapport aux pairs du même âge. Ce décalage est notamment flagrant au niveau du cortex préfrontal (situé juste derrière le front), qui est la dernière aire arrivant à maturité – aux alentours de 25 pour un cerveau non-TDAH. Un cerveau TDAH acquiert lui aussi sa pleine maturité, mais un peu plus tard.
🧠 Enfin, il est capital de s’intéresser aux neurotransmetteurs, qui sont les messagers transportant les informations au sein du cerveau, d’une neurone à l’autre. Or, pour schématiser ce qui se passe dans un cerveau TDAH, les éléments des neurones qui réceptionnent et renvoient les neurotransmetteurs sont trop impatients : ils les attrapent trop tôt et les renvoient trop vite, ne leur laissant pas le temps de faire correctement leur boulot !
Par ailleurs, dans certains cerveaux TDAH, il y a également une quantité moindre de neurotransmetteurs.
Ces neurotransmetteurs, dont tu as probablement déjà entendu parlé si ton enfant est TDAH, ce sont :
- la dopamine, qui déclenche la sensation de plaisir, la motivation et la satisfaction par un système de récompenses,
- la noradrénaline, qui joue un rôle dans la vigilance, le sommeil ou le niveau d’énergie.
On comprend tout de suite mieux pourquoi les enfants TDAH sont aux prise avec les émotions intenses (qu’ils ont du mal à gérer), le fait d’avoir trop d’énergie ou encore de mal dormir, n’est-ce pas ?
Le “cerveau TDAH” et les fonctions exécutives
As-tu déjà entendu parler des fonctions exécutives ?
Il n’y a pas de définition faisant consensus. Je te propose aujourd’hui la définition qu’en fait le Dr Saline dans son ouvrage cité ci-dessus : un ensemble de fonctions cérébrales complexes dont on a besoin pour atteindre les objectifs, fonctions qui se trouvent un peu partout dans le cerveau mais tout particulièrement dans le cortex préfrontal (la partie du cerveau qui arrive à maturité en dernier si tu as bien suivi 😉
En résumé et pour bien comprendre -> pour atteindre un objectif, tu as besoin d’effectuer des taches et c’est grâce aux fonctions exécutives que tu vas pouvoir le faire.
🧠 Le Dr Saline utilise l’image d’un directeur supervisant la production d’un grand film. Il va devoir coordonner tous les aspects pour créer la vision qu’il a de ce film : son, éclairage, costumes, acteurs, décors… S’il a besoin d’un son plus fort, il le demande ; s’il a besoin de fausse pluie, il en demande, etc…
De la même manière, l’être humain a besoin des fonctions exécutives pour créer, planifier et accomplir des taches mais aussi pour résoudre des problèmes, gérer ses comportements ou encore faire face aux émotions qui le traverse. Ces fonctions exécutives sont le “grand directeur” qui va déterminer comment faire les choses : dans quel ordre tu vas faire le ménage, ce que tu veux dire dans une lettre, quand tu vas commencer à préparer le dîner,…. C’est à peu près clair pour toi ?
Soyons maintenant un peu plus concrets afin que tu vois ce que recouvrent les fonctions exécutives. Il existe là aussi plusieurs modèles de classification et je te présente celui du Dr Saline. Elle distingue les “compétences chaudes” (hot skills) et les “compétences froides (cool skills).
🧠 Les “compétences chaudes” relèvent plutôt des comportements quotidiens conscients. Elle y inclut :
- l’inhibition => plus particulièrement l’auto-régulation, c’est à dire la capacité de s’arrêter pour réfléchir avant de faire ou dire quelque chose, de contrôler son corps ou sa parole afin d’agir de manière appropriée ;
- l’émotion => la gestion des émotions et sentiments, à savoir la capacité à réguler ceux-ci – notamment la colère et l’anxiété, à avoir de la patience et à tolérer les frustrations, à ne pas s’énerver pour de petites choses ;
- l’action => l’organisation (garder sa chambre propre, ses affaires en bon état, trouver les choses dont on a besoin), la gestion du temps (se mettre à faire les choses à temps, apprécier le temps nécessaire, respecter les deadlines), la planification et la priorisation (trouver la méthode qui convient, savoir par où commencer un projet sans se sentir submergé et décidé ce qui est le plus important), l’initiative (commencer les taches et les finir de manière efficace, sans être dirigé ou rappelé à l’ordre, être motivé pour commencer une tache)
🧠 Les “compétences froides” sont pour leur part plus abstraites et inconscientes. Le Dr Saline y inclut :
- l’énergie => la vigilance (être capable de rester éveillé et engagé même dans une tache ennuyeuse), la persévérance, le traitement des données (comprendre et appliquer les nouvelles informations de manière efficace) ;
- la mémorisation => à savoir la mémoire de travail, qui est la capacité à maintenir une information dans sa tête tout en faisant différentes choses, se rappeler des choses du passé et les appliquer au présent et au futur ou encore se rappeler les étapes dans une succession de directions à suivre ;
- le focus/attention => l’attention soutenue (gestion de l’attention et résistance aux distractions quand on doit effectuer une tache), flexibilité (capacité à tourner son attention vers quelque chose d’autre comme par exemple arrêter son jeu vidéo pour passer à table ^^ ou encore capacité à s’adapter aux changements), goût de l’effort (établir des objectifs et rester concentré dessus, revenir à la tache après une interruption, rester sur la tache en cours quelque soit sa vitesse de traitement) ;
- l’auto-évaluation => la conscience de soi, c’est à dire avoir conscience des impacts de son fonctionnement personnel sur les autres, répondre positivement au retour d’expérience, montrer des jugements appropriés et apprendre de ses erreurs).
Voilà ce que chaque fonction exécutive te permet – en théorie – de faire. C’est justement ce qui va être difficile pour un enfant/ado TDAH. Ceci est bien sûr variable d’une personne à l’autre : certains rencontreront des difficultés avec de nombreuses fonctions exécutives, d’autres avec une partie d’entre elles “seulement”. Ton ado a peut-être du mal à maintenir sa chambre en ordre mais peut par ailleurs être très ponctuel !
🧠 Je précise quand même que tous les enfants sont confrontés au développement progressif des fonctions exécutives, qu’ils soient “neuroatypiques” ou non. Ce n’est inné chez personne ! Mais ce qu’il faut retenir, c’est que chez les enfants et ados TDAH, ces fonctions exécutives (ou au moins une partie d’entre elles) mettront plus de temps à devenir vraiment “efficaces” et que le chemin pour y parvenir sera souvent plus difficile.
Petit aparté : je ne t’exposerai pas ici le point de vue complémentaire assez récent de chercheurs et pédopsychiatres qui ont mis en évidence des dysfonctionnements spécifiques des voies cognitives chez les personnes TDAH. Peut-être dans un prochain billet 😉
S’appuyer sur les forces pour mieux relever les challenges !
Comme tu l’as peut-être déjà lu dans un de mes précédents billets, j’ai du mal avec l’appellation même du TDAH – (comme je l’explique dans l’article https://le-metier-a-tisser.com/mon-enfant-est-neuroatypique/ )
Au-delà du fait que le terme “déficit d’attention” laisse croire à tort que les personnes TDAH ne seraient pas en capacité de se concentrer alors même que leur cerveau est justement attiré par toutes les stimulations alentours (c’est donc plutôt la focalisation qui est difficile), je n’aime pas l’emploi du mot “trouble”. Tout comme le fait que l’on doive l’assimiler à un handicap pour bénéficier de prises en charge.
J’aime plutôt raisonner en terme de “challenges”. Oui, être un enfant TDAH, c’est devoir relever des challenges que d’autres enfants ne connaissent pas – au moins de manière aussi prononcée. Oui, être parent d’un enfant TDAH, c’est aussi devoir relever de nombreux challenges notamment s’agissant des comportements, de la gestion des émotions et plus généralement de l’accompagnement de son enfant.
Il me semble important de sortir de ces termes médicaux – indispensables à la prise en charge bien sûr – et de ne pas enfermer les enfants/ados concernés et leurs parents dans cette connotation négative.
Être TDAH, c’est aussi avoir bien souvent une créativité débordante, être en capacité de penser “out of the box” (différemment de la norme ou plus littéralement “en dehors de la boîte”), être attachant…
Pour aider nos enfants TDAH à relever les challenges auxquels ils doivent faire face, il est capital de s’appuyer et valoriser leurs forces, car ils en ont inévitablement. Valoriser aussi les efforts fournis, même si les résultats ne sont pas dans l’immédiat ceux attendus. Etre dans un état d’esprit positif qui permettra de favoriser la croissance et le changement !
Qu’en penses-tu ?
As-tu envie de sortir ton enfant de cette étiquette qui peut trop lui coller à la peau ?
J’espère que tu auras apprécié la lecture de ce billet et surtout que tu porteras un regard neuf sur le TDAH. Notamment lorsque ton enfant explosera de manière disproportionnée ou encore qu’un éducateur le traitera de fainéant ou comédien (ça sent le vécu)…
Et si tu maîtrises l’anglais, tu peux suivre les travaux du docteur Sharon Saline, dont le blog regorge d’articles très intéressants : https://drsharonsaline.com
A bientôt pour de nouveaux billets sur le TDAH et la parentalité !
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