La première fois que j’ai été frappée par la mise en oeuvre de ce que l’on appelle le « time-out », c’était il y a 3 ans, alors que j’étais chez une de mes amies aujourd’hui décédée. Elle tentait de contenir son fils de 12 ans pour l’envoyer dans sa chambre effectuer un « time-out » en raison de son refus d’obtempérer à sa demande.
Lorsque je lui ai fait remarquer que je trouvais ça extrêmement dur tant pour elle que pour son fils, elle m’a répondu d’un air dépité qu’elle n’avait pas le choix. Les professionnels qui suivaient son fils à l’hôpital lui ont bien expliqué que c’était la seule manière d’éduquer un enfant ayant un TDAH (Trouble du Déficit de l’Attention avec/sans Hyperactivité).

Elle m’a alors parlé de la méthode Barkley et du programme du même nom qu’elle avait suivi sur les conseils du pédopsychiatre. Mes filles n’avaient pas encore été diagnostiquées à l’époque et je n’avais encore jamais entendu parler de ce programme. Depuis lors, j’ai fait de nombreuses recherches sur le sujet, lu des ouvrages français mais aussi américains sur le TDAH, suivi de nombreuses conférences – y compris données par le Dr Barkley. J’ai lu les témoignages de parents en difficulté. J’ai aussi analysé ma posture parentale et fait le point sur mes relations avec mes deux adolescentes TDAH et HPI de 11 ans et demi et bientôt 15 ans.
Et c’est après des mois de réflexion que j’ai décidé de me lancer enfin dans l’écriture de ce billet à contre-courant de tout ce que l’on peut lire en la matière. Car n’en déplaise aux professionnels de santé spécialistes du TDAH, éducateurs ou encore aux coachs ou accompagnantes parentales qui se sont formé-e-s et transmettent, je vais dans quelques instants te montrer que le time-out n’est ni plus ni moins qu’une violence éducative ordinaire (VEO) aux sombres conséquences pour ton enfant et pour la relation.
Je sais qu’avec ce billet, je ne vais pas me faire que des amis… mais le plus important pour moi en mettant les pieds dans le plat, c’est de faire bouger les lignes et permettre ainsi à des enfants et leurs parents de ne plus être victimes de cette méthode. Car il existe d’autres solutions pour avoir des relations sereines avec des enfants aussi opposants qu’ils soient – oui, même pour les enfants TDAH avec TOP (Trouble de l’Opposition avec Provocation).
Chère maman, (cher papa si par bonheur tu me lis), il n’est jamais trop tard pour changer d’angle et revoir tes pratiques éducatives. Si jamais à la lecture de ces quelques lignes tu culpabilises d’avoir utilisé le time-out avec ton enfant, dis-toi qu’il est en ton pouvoir de transformer cette petite dose de culpabilité en un grand changement ! Et un pas de plus sur le chemin de la non-violence éducative et de la parentalité respectueuse et consciente.
Prêt-e pour une plongée en eaux troubles ? C’est parti…
Qu’est-ce que le « time-out » ?
C’est une pratique dite « éducative » qui consiste à extraire l’enfant de la situation et l’endroit où il se trouve parce que son comportement pose problème : il est agité, elle n’écoute pas les consignes, il refuse « d’obéir », elle embête ses camarades…
Il s’agit d’une d’une mise à l’écart temporaire, parfois appelée aussi « retrait ».
Pour faire plus simple : c’est mettre au coin l’enfant ou encore l’envoyer dans sa chambre.
Le time-out a pour origine les théories du psychologue et penseur américain B.F. Skinner (1904-1990), figure de prou du mouvement comportementalisme. Il est le père de la théorie du « conditionnement opérant » :
📌les récompenses aboutissent à ce que l’enfant se comporte d’une certaine manière. On appelle cela le « renforcement positif »,
📌 le retrait d’une récompense ou provoquer une souffrance permet en parallèle de réduire les comportements indésirables.
Une théorie directement inspirée des travaux de Pavlov sur le conditionnement des animaux – et là je suis sûre que tu repenses à tes cours de biologie du collège ! Avais-tu déjà vu le time-out ou l’isolement sous cet angle là ?
Les préconisations faites par les tenants du « time-out » :
📌 pas avant 2 ans car cela ne servirait pas à grand chose, mais pas non plus après 9 ans voire jusqu’à 13 ans pour certains (car ensuite ton ado risque de t’en coller une ou s’il t’obéit et reste consigné à la maison au lieu de sortir avec ses copains en apparence, il sera fortement tenté de “faire le mur”),
📌 compter 1 mn par année (ex : 5 ans = 5 minute d’exclusion) pour certains ou entre 5 et 15 minutes pour d’autres. Une fois ce temps exécuté, l’enfant est autorisé à retrouver le groupe ou reprendre son activité (ou pas),
📌 ne pas « lâcher » une seule fois ! Le secret de la réussite du time-out serait là… la répétition. Ton enfant finira bien par comprendre qu’il doit arrêter d’avoir des comportements inadaptés. C’est notamment le discours tenu par une pédopsychiatre qui a malheureusement pignon sur rue et a même édité un livre pour les enfants sur le sujet.
Le time-out a séduit de nombreux parents et professionnels de l’enfance. Il est vite apparu comme étant une bonne alternative aux violences physiques voire verbales (même s’il s’accompagnent souvent de ces dernières). Mais l’est-ce vraiment ?
Très en vogue dans les émissions du type « Super Nanny », on le retrouve encore trop fréquemment appliqué en milieu scolaire. Mais aussi, malheureusement, dans les familles avec des enfants TDAH (Trouble du Déficit de l’Attention avec/sans Hyperactivité).

« Les enfants ont besoin de connexion, pas d’isolement. »
Le time-out et la méthode Barkley
Dans les années 1990, le psychologue clinicien américain Russel Barkley travaillait depuis un moment déjà sur le TDAH et s’est – entre autre – aperçu que les enfants TDAH avaient une très forte tendance à l’opposition et étaient moins « dociles » que les autres enfants.
La guidance parentale selon Barkley
Il a alors mis au point une méthode de « guidance parentale » qu’il expose notamment dans son ouvrage « The defiant Child » (« L’enfant provocateur »). Cette méthode a donné lieu à la mise en place , notamment en France, d’un Programme d’Entraînement aux Habiletés Parentales (PEHP).
Très largement inspirée des thèses comportementalismes de Skinner, cette guidance est axée sur 10 points (parfois appelés “les 10 commandements de Barkley”) parmi lesquels : le renforcement positif, le feed-back immédiat, les routines, la focalisaient sur les comportements et non sur l’enfant, le time-out, etc… Aujourd’hui, tu l’auras compris, je m’attarde uniquement sur le time-out.
S’agissant plus particulièrement du time-out, il est à mettre en place lorsque l’enfant ne se conforme pas à ton injonction qui fait suite à un comportement que tu juges inadapté.
Tu lui demandes alors de s’isoler dans sa chambre, pour un temps annoncé. S’il ne se conforme toujours pas à ta demande une fois dans sa chambre – par exemple il hurle ou se met à casser ses jouets – alors tu fermes la porte de la chambre. S’il continue, tu rentres dans la chambre et t’assois près de lui mais tu ne lui parles pas (tu l’ignores en fait…).
Une méthode qui date un peu…
A ce stade de mon billet, je ferais remarquer que ce programme a été établi dans les années 1990, c’est à dire avant l’émergence des neurosciences affectives et sociales. La connaissance du fonctionnement du cerveau – notamment des enfants TDAH – s’est donc considérablement développée depuis lors. Elle permet de remettre très largement en cause les soit-disant bienfaits du time-out.
Je soulignerai d’ailleurs que dans les récentes conférences du Dr Barkley que j’ai pu suivre, celui-ci n’a à aucun moment évoqué le time-out. En aurait-il lui même réalisé les méfaits ?
Des voix s’élèvent Outre-Atlantique
Outre-Atlantique, de nombreux spécialistes américains du TDAH, dont certains avaient eux-mêmes appliqué au début de leur pratique professionnelle les outils proposés par Barkley, déconseillent totalement le recours au time-out (entre autres). Je pense notamment au Dr Ross Greene, auteur de “L’enfant explosif” ou encore le Dr Sharon Saline, auteur du best-seller “What your ADHD child wishes you knew” (”Ce que votre enfant TDAH aimerait que vous sachiez” malheureusement non traduit en français à ce jour). Ce ne sont que deux noms parmi beaucoup d’autres.
Malheureusement, à ce jour, dans notre pays, la très grande majorité des professionnels de l’enfance spécialisés dans le TDAH – en milieu hospitalier ou en libéral – préconisent aux parents d’enfants TDAH de se former à la méthode Barkley. Le seul programme qui fonctionnerait réellement pour des enfants si particuliers. Vraiment ?
Les conséquences du time-out
Elles sont malheureusement très nombreuses.
Une conséquence positive ?
Commençons par une conséquence positive – pas la peine de frotter tes yeux ou tes lunettes, tu as bien lu. La conséquence immédiatement positive que l’on observe très souvent (mais pas toujours) avec le time-out, c’est que l’enfant se conforme à ce qu’on lui a demandé. Youhou ! La preuve que ça fonctionne ?
Et bien non… l’enfant a juste mis un couvercle sur tout ce qu’il ressent et pense pour pouvoir faire ce que l’adulte attend de lui et ainsi retrouver l’amour ou la considération de l’adulte, voire éviter ****une punition supplémentaire.
Les ressentis de l’enfant isolé
Maintenant, accroche-toi.. tu vas découvrir la face sombre du time-out et plonger en vrac dans les différents ressentis possibles pour l’enfant qui le subit :
📌 le retrait d’amour/de reconnaissance = l’adulte ne m’aime pas quand je pleure, que je crie, que je m’énerve ou que je n’obéis pas…
📌 la peur, l’angoisse = notamment chez le jeune enfant, qui se retrouve isolé et doit faire face seul à ses émotions qui le submergent, a fortiori une fois la porte fermée,
📌 un coup de canif dans l’estime de soi = le message transmis par le time-out est “je ne suis pas assez bien pour ma maman, mon papa, ma maîtresse, ma tante…”
📌 un sentiment de honte = l’enfant est isolé du “groupe” (juste toi ou encore la famille nucléaire, la famille élargie, la bande de copains présents ce jour là, etc…). Pas simple de se retrouver ainsi mis au ban sans se sentir humilié. Quelles conséquences aussi au sein du groupe de pairs par la suite ?
📌 de la colère ou du ressentiment vis à vis de l’adulte.
Tout un mélange de sentiments contradictoires qui viennent le titiller, brouiller ses ressentis, nourrir la culpabilité de ne pas être celui que ses parents voudraient qu’il soit.
Le conditionnement de l’enfant
Le time-out va également conditionner l’enfant et lui apprendre à répondre de manière “appropriée” aux exigences de l’adulte ou de la société : pour que tu m’aimes, je vais me comporter de telle façon !
La répétition des time-out mettrait fin à toute velléité de l’enfant d’être lui-même.
Et parfois, il va en falloir du temps… J’ai lu récemment l’article (déchirant pour moi) d’une maman qui expliquait que le time-out fonctionnait enfin après deux ans d’acharnement et d’heures passées à pleurer devant la porte de son fils TDAH qui hurlait. Qu’il savait maintenant enfin gérer seul ses crises d’opposition en allant s’enfermer de lui-même dans sa chambre. No comment tant sur l’efficacité douteuse de ce processus que sur la souffrance endurée tant par l’enfant que par la maman.
Les mécanismes physiologiques à l’oeuvre
Qu’est-ce qui fait que les enfants TDAH ont un comportement que l’adulte considère comme inadapté à la situation ou pour la relation ?
- les émotions qui le traversent : comportement agressif ou attitude irrespectueuse entraînées par la colère/la frustration, excitation extrême quand la joie est à son paroxysme, pleurs incessants quand la tristesse s’en mêle ou encore sidération dérangeante quand la peur est là,
- l’impulsivité : un coup qui part ou un objet lancé à la figure de l’adulte pour s’amuser, traduction d’une impulsivité naturellement présente – de manière plus ou moins prononcée – chez les enfants TDAH et un manque d’inhibition (fonction exécutive). Elle devra faire l’objet d’un long apprentissage pour être peu à peu maîtrisée.
Isoler l’enfant lorsqu’il est ainsi aux prises avec des émotions intenses, c’est le laisser seul pour se débrouiller avec elles voire même interdire la phase de décharge pourtant essentielle. Les pleurs, les cris, les coups, les rires hystériques font partie intégrante du mécanisme sain de relâchement de la tension et permettent au corps de retrouver un équilibre.
Or, je te rappelle que ce n’est qu’à partir de 8/10 ans pour les enfants TDAH que les connexions entre le cortex préfrontal – siège de la réflexion, de la prise de recul, du raisonnement -et les autres aires cérébrales commencent à se mettre en place. Et ce travail se poursuivra jusqu’à 25/30 ans ! Voir mon article sur le cerveau TDAH : https://le-metier-a-tisser.com/comprendre-le-cerveau-tdah-essentiel/
Isoler l’enfant lorsque l’impulsivité a guidé ses réactions, c’est lui montrer qu’on ne l’accepte pas tel qu’il est. Avec cette caractéristique pas vraiment facile à vivre et qu’il ne sait pas encore complètement dompter.
Lorsqu’une émotion forte secoue l’enfant, l’amygdale cérébrale prend le contrôle. Il faut environ 6 secondes pour que l’adrénaline relâchée se dissipe dans le cerveau mais 20 à 30 minutes pour que ses effets dans le corps (tensions) disparaissent. Pendant tout ce temps, le cortex préfrontal (ou cerveau “pensant” si tu préfères) est mis hors ligne. Impossible de se raisonner, même (voire surtout) si l’on est isolé !
Pour finir sur le plan physiologique, je t’invite aussi à avoir en tête que l’imagerie médicale a démontré que ce sont les mêmes zones du cerveau qui sont activées lors de l’isolement (time-out) que lors d’un châtiment corporel. De quoi nous donner encore à réfléchir sur les attitudes éducatives…
Le time-out ne serait-il pas source d’anxiété et d’insécurité affective ? Je n’ai pas trouvé d’étude scientifique sur le sujet. Mais c’est en tout cas mon intuition. Je te laisse te faire ta propre opinion.
Passer à côté des véritables causes du comportement “inadapté”
Un enfant qui est agité, n’écoute pas ce qu’on lui dit ou plus largement a un comportement que l’adulte considère comme “inadapté” tente de faire passer un message. Il est submergé par ses émotions et ne peut se contrôler.
Il y a toujours une cause sous-jacente.
A travers ces comportements, l’enfant affirme ses limites, réagit à une frustration, manifeste un besoin de connexion… en axant sa réponse sur le comportement, l’adulte passe complètement à côté du besoin qui se cache derrière l’émotion.
Le time-out n’aide pas l’enfant à identifier son problème puis à le résoudre
Il n’aide pas non plus l’enfant à apprendre la régulation émotionnelle. C’est au contraire l’exemple de l’adulte et la façon dont lui-même régule ses émotions qui le permettront – l’adulte est un modèle pour l’enfant.
Une inefficacité sur le long terme
L’enfant se conforme et s’adapte pour répondre à la demande de l’adulte . Mais c’est une autre histoire au moment de l’adolescence.
Il vient un moment où tu ne peux plus imposer le time-out à ton enfant : il sera devenu trop fort physiquement ou n’hésitera pas à mentir ou faire le mur pour retrouver ses copains. Oui, il existe là aussi une méthode qui pourra être utilisée – la méthode REACT inspirée directement de la résistance non violente et mise au point pour aider les familles face à leurs enfants dits « tyranniques ». La résistance non-violente déclinée dans l’éducation par Haim Omer, psychologue israélien renommé, présente effectivement des pistes très intéressantes lorsqu’on est dans un impasse avec son enfant.
Mais si on peut éviter d’en arriver là en traitant l’enfant comme il se doit, n’est-ce pas la meilleure des solutions ?
Et la détérioration de la relation parent-enfant
Le time-out est vécu comme une punition par l’enfant.
Il génère un sentiment de rejet, de dévalorisation mais souvent aussi du ressentiment face au parent, comme je te l’ai déjà indiqué.
En agissant ainsi, tu montres également à ton enfant que tu n’aimes être engagé dans une relation avec lui que lorsqu’il est agréable et ne “pose pas de problème”. Adieu l’amour inconditionnel.
En choisissant ce type de méthode, tu es dans une tentative de contrôle des comportements de ton enfant.
Tout ceci aura pour conséquence d’abîmer ta relation à ton enfant.
Mais tu n’en avais peut-être pas conscience avant la lecture de ce billet et je ne te jette surtout pas la pierre. Mon objectif est de te permettre de remettre en question tes pratiques éventuelles pour le bien de ton enfant, pour ton bien.
Je t’invite, en complément, à lire l’excellent article d’Aletha Solter, “Les désavantages de la mise à l’écart temporaire (time-out)” publié dans « Mothering Magazin » en 1992, revu et mis à jour en 2000. Aletha Solter est psychologue du développement et fondatrice de l’Institut de la Partentalité Consciente.
Article en français : http://www.awareparenting.com/timeoutfrench.htm
et article en version originale : http://www.awareparenting.com/timeout.htm
Quelle que soit la personne qui prétende que la méthode du « time-out » est une bonne méthode, je dis que c’est absurde. La question essentielle que nous devons nous poser c’est : quels effets a cette méthode sur l’estime de soi des enfants et sur la relation parents-enfants ?

Le time-out est une violence éducative ordinaire (VEO)
Les violences éducatives ordinaires (VEO) sont des pratiques correctives ou punitives qui sont utilisées, tolérées voire même recommandées pour “bien éduquer” un enfant. Il s’agit non seulement de violences physiques mais aussi de violences psychologiques.
Elles sont – enfin – interdites en France depuis la loi du 10 juillet 2019 dans l’exercice de l’autorité parentale, après des millénaires de recours à la violence envers les enfants sous couvert d’éducation. Cf mon billet de blog sur l’histoire de la violence éducative :
https://le-metier-a-tisser.com/histoire-violence-educative/
Le time-out est une violence qui peut parfois être physique (tu contiens ton enfant ou le traîne, il se fait mal lorsqu’il se déchaine dans l’endroit où il est isolé). Il est en tout état de cause systématiquement une violence psychologique. Je pense que la liste des conséquences énoncées un peu plus haut t’en as déjà donné la preuve.
Oui, le time-out relève de la violence éducative ordinaire ! N’en déplaise à ses nombreux partisans. Il est grand temps que nous, adultes, mettions fin à cette pratique.
Tu n’es pas encore convaincue ?
Laisse-moi te poser une question. Acceptes-tu que l’enseignant de ton enfant le mette au coin ? J’imagine que non. Est-ce que parce que tu es son parent, cela légitime le fait que tu mettes ton enfant de côté ?
Toujours pas convaincue ? Tu penses peut-être que ce n’est pas la même chose.. justement parce que tu es son parent, parce qu’il n’y a pas une once d’humiliation lorsque tu envoies ton enfant dans sa chambre. Et puis ton enfant sait bien que tu l’aimes car tu es bienveillantes et il sait faire la différence. Es-tu sûre de cela ?
Bon, je te propose un deuxième électro-choc avec cette illustration de Fanny Vella.

Tous droits réservés @Fanny Vella
« Et si on changeait d’angle » – Editions Ailes et Graines
Elle est issue de son livre “Et si on changeait d’angle”, véritable plaidoyer contre l’adultisme dans lequel elle transpose des situations adulte-enfant en situation adulte-adulte.
Cette illustration est inspirée d’une situation un peu différente de celles à l’origine de la pratique des time-out pour nos enfants TDAH : de mauvais résultats scolaires – et là professionnels – qui entraînent comme punition une interdiction de sortie.
Mais elle m’a tout de suite fait penser au time-out lorsque je l’ai découverte pour la première fois : je t’isole dans ta chambre et tu vas ainsi te calmer et réfléchir à ton comportement inadapté à la situation.
Je remercie d’ailleurs vivement Fanny Vella de m’avoir donné le feu vert pour l’utiliser sur mon blog avant même d’avoir lu mon article 😉
Alors, tu accepterais d’être isolé-e lorsque tu as un comportement considéré comme non adapté (et là je te vois sourire… surtout si tu es toi-même TDAH 😉 Tu penses toujours que le time-out n’est pas violent ? Tu as encore un petit doute peut-être…
Allez, je sors mon dernier argument. Et il s’agit cette fois d’une alerte faite par les psychologues et penseurs qui préconisent l’utilisation du time-out. Ces derniers expliquent en effet que le time-out est fortement déconseillé pour les enfants adoptés ou souffrant de trouble de l’attachement résultant de négligence ou abus précoces. Si le time-out peut raviver de telles souffrances, il me semble légitime de penser qu’elle peut aussi les créer, n’est-ce pas ?
J’espère que ces quelques lignes un peu provocatrices t’auront permis de remettre en question les schémas ancrés en toi. Et n’y vois là aucun jugement de ma part. La parentalité est un long chemin fait de remises en question de ce que l’on a soi-même vécu en tant qu’enfant mais aussi des injonctions sociétales.
Difficile de s’en extraire, d’autant plus quand tant de professionnels t’expliquent que telle ou telle pratique – et notamment le time-out – est la seule issue possible pour résoudre les conflits ou tenter de mettre fin à l’opposition parfois très violente de ton enfant.
Et pourtant, d’autres choix s’offrent à toi.
Quelles alternatives au time-out ?
Je vais être honnête avec toi (comme toujours lol), j’ai moi aussi déjà eu recours au time-out lorsque ma fille aînée était encore toute petite. A priori 2 ou 3 fois. Je ne m’en souviens pas mais ma fille s’en souvient bien, elle. Et me dit encore aujourd’hui à quel point elle avait trouvé ça injuste. J’ai du vite m’apercevoir que ce n’était pas la voie à suivre pour l’avoir laissée tomber.
Et pourtant je peux t’assurer que j’ai souvent été challengée par les comportements de mes filles. Je suis sortie de mes gonds plus d’une fois ! Cela aurait été si facile d’isoler mes enfants.
L’opposition, je m’y frotte trèèèèèès régulièrement. La provocation aussi. Les crises qu’elles génèrent sont pourtant de moins en moins fréquentes et de moins en moins fortes alors même que mes filles sont maintenant en plein dans l’adolescence. Et Dieu sait ce que l’on te prédit à l’adolescence notamment avec des enfants atypiques.
Arriver à réduire le nombre et la durée des crises, les “gérer” de manière la plus calme possible, cela n’est pas possible avec un seul outil. Tu le comprends si tu me suis depuis quelques temps déjà, c’est le fruit d’une parentalité respectueuse et consciente. D’années d’une posture parentale que j’ai défini et que j’ajuste régulièrement en adéquation avec mes filles et moi-même.
Il n’en reste pas moins que je peux te donner quelques pistes comme alternatives au time-out pour agir sur le moment même.
Tu peux par exemple pratiquer le “time-in” (temps passé ensemble/connexion) : un moment que tu partages avec ton enfant, dans lequel tu l’accompagnes justement à traverser ce moment difficile. Accueil des émotions puis pourquoi pas un temps assis ensemble sur le canapé à lire une histoire ou se faire un câlin. C’est quelque chose que je ne peux que te recommander pour les jeunes enfants – voire plus !
Il y a aussi le “time-apart” (temps passé séparément) : un temps passé séparément, afin de calmer les esprits et avec l’accord de chacun. Par exemple quand la tension monte avec ta fille de 16 ans. C’est d’ailleurs peut-être ton ado elle-même qui te le demandera… C’est comme ça avec mon aînée, qui a réalisé qu’elle avait besoin d’être seule pour faire retomber la pression avant de pouvoir parler. Profites-en pour te calmer toi aussi si besoin 😉
Tu peux d’ailleurs discuter de tout cela à froid avec ton enfant. Voir ce qui lui correspond le plus dans ces moments quand il y repense. Et le mettre en oeuvre la prochaine fois que cela arrive.
VOILÀ… J’ai fini (pour aujourd’hui).
Bravo et merci d’être allée jusqu’au bout de ce long billet de blog mais il m’était difficile de faire plus court sur ce sujet.
J’espère t’avoir convaincu que le recours time-out est vraiment une mauvaise idée pour tous les enfants y compris pour les TDAH ! Ou au moins t’avoir mis un petit doute permettant d’amorcer un questionnement 😉
Si cet article t’interpelle parce que tu utilises justement le programme Barkley, je suis à ta disposition pour échanger sur le sujet, t’écouter et t’accompagner sur le chemin d’une parentalité toujours plus respectueuse et consciente.
N’hésite pas à partager en commentaire ce que cela t’inspire ou à m’envoyer un mail à celine@le-metier-a-tisser.com
A bientôt !
Céline FL
Notes et ressources :
Site du Dr Sharon Saline, psychologue clinicienne, auteure, consultante et conférencière spécialisée dans le TDAH – https://drsharonsaline.com
Site du Dr Ross Greene, Ph D, créateur de la Solution Collaborative et Proactive, auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels « L’enfant explosif » ou « Raising human beings » – https://drrossgreene.com
Site du « Aware Parenting Institute » (Institut de la parentalité consciente) créé par Aletha Solter – http://www.awareparenting.com
Livre de Fanny Vella – « Et si on changeait d’angle. » – Editions ailes et graines –https://editions.ailesetgraines.com/produit/livre-et-si-on-changeait-dangle/
Je ne sais pas comment qualifier mon comportement : time-out, ou time-apart ? car lors d’évènements de crise majeure, je n’ai pas cherché le consentement de mon fils, c’est moi qui me suis isolé. J’ai fuit, pour me protéger et pour le protéger.
Ce ne serait donc ni un time-out : puisque c’est l’adulte qui s’isole.
Ce ne serait ni un time-apart : puisque dans ce cas là, je ne demande pas l’autorisation, ni l’accord de mon enfant pour m’isoler.
Merci pour ce commentaire. Ce n’est effectivement ni un time-out, ni un time-apart mais un très bon réflexe ! Lorsque l’on sent que l’on risque de basculer dans la violence (physique, verbale, psychologique), mieux vaut commencer par se retirer le temps de se calmer.
Si l’enfant est encore jeune, ne pas hésiter à lui dire que l’on s’éloigne un moment le temps de se calmer.
Merci pour ce post très éclairant! Et bravo pour cette prise de position!
Je trouve tout ça très cohérent et y réfléchirais à 2 fois avant d’isoler mon enfant 🙂